Variétés végétales et races animales : leviers de durabilité et de compétitivité en bio

Contexte / Enjeux
Aujourd’hui l’agriculture biologique et les autres modes de production agroécologiques posent la question des pratiques et de l’adaptation des modèles actuels de sélection végétale et animale à leurs besoins. Les interrogations se posent d’abord d’un point de vue technique et sociétal :
- Est-ce que les variétés et races mises au point par les modèles de sélection « standardisés et globalisés » seront adaptées pour des contextes d’exploitation différents, diversifiés, résilients aux changements climatiques ?
- Comment évoluent ces modèles pour mieux d’adapter aux contextes locaux et aux marchés ?
- De nombreux collectifs d’agriculteurs souhaitent pouvoir se réapproprier davantage le travail de sélection.
Le collectif du programme transversal Synergie Bio & Non Bio propose un regard synthétique sur les travaux de R&D en cours, au sein d’Acta – Le réseau des instituts techniques agricoles et renforce les liens entre les équipes. Il favorise le décloisonnement des connaissances et le développement de systèmes de production agroécologiques.



La sélection animale et végétale existe depuis le début de l’agriculture, et s’est professionnalisée à l’après-guerre. Le but ? Proposer des variétés et races répondant aux exigences de productivité, sécurité alimentaire, qualité et mécanisation.
Aujourd’hui l’agriculture biologique et les autres modes de production agroécologiques posent la question de l’adaptation des modèles de sélection – globalisés et standardisés – à leurs besoins. Les travaux et résultats obtenus pour les systèmes biologiques présentent un intérêt croissant pour les systèmes conventionnels du fait de la montée en puissance des pratiques agroécologiques qui s’appuient davantage sur les processus naturels comme socle du fonctionnement des agrosystèmes.
Les instituts techniques agricoles (ITA) sont au cœur des projets de recherche, des collaborations et des expérimentations terrain à toutes les étapes de la création jusqu’à l’évaluation variétale végétale. De même pour les filières animales, les instituts techniques agricoles aident dans l’organisation collective des programmes des organismes de sélection animale (France génétique Élevage, SYSAAF, établissements de sélection porcine, INRAE….) et dans la valorisation des références sur les races animales domestiques jusqu’à leur utilisation par les éleveurs.
Les instituts techniques jouent aussi un rôle important dans la conservation des races et des variétés en collaboration avec les acteurs des filières. Couplées avec celles de partenaires locaux, ces actions de conservation contribuent à la sauvegarde de la biodiversité, réservoir d’adaptation potentielle à de nombreux besoins et au développement durable des territoires. Des races et des variétés, adaptées à certains milieux très contraignants notamment en agriculture biologique, ont subsisté au fil du temps. Elles font aujourd’hui l’objet de programmes de conservation et de sauvegarde impliquant plusieurs instituts du réseau Acta visant aussi à améliorer les performances économiques des systèmes reposant sur leur utilisation.

Vers des variétés et des races mieux adaptées aux contextes locaux ?
Les modes de production tournés vers l’agroécologie, comme l’agriculture biologique, reposent sur l’adaptation aux contraintes du territoire d’implantation. Une question technique se pose alors : est-ce que les variétés et races sélectionnées dans le contexte de l’agriculture dite conventionnelle peuvent correspondre aux attentes de ces autres modes de production ? La sélection contient aussi une dimension sociale, car plusieurs collectifs d’agriculteurs souhaitent se réapproprier le travail de sélection.
Sélection et diversification végétale sue le terrain, un long processus



Dans le domaine végétal :
Dès les 1980 sont mis en place des programmes de sélection dédiés à l’agriculture biologique dans les pays germanophones. D’autres traits phénotypiques sont alors valorisés : résistances aux maladies, qualités organoleptiques et compétitivité face aux adventices.
Par ailleurs, des producteurs ont continué le processus de sélection dans leurs champs, pour des variétés-populations particulièrement adaptées à leur contexte : ce sont les semences paysannes.
Et depuis 2021, le règlement (UE) 2018/848, 2 nouvelles catégories de végétaux sont apparues pour l’agriculture biologique : une dont toutes les étapes de sélection sont faites en bio, et l’autre dans laquelle sont valorisées la diversité des caractères ainsi que la capacité d’adaptation.
La majorité des variétés utilisées en bio sont issues des schémas de sélection classiques car :
- Il existe encore peu de schémas spécifiques de sélection
- L’usage de variétés bio n’est pas imposé par le cahier des charges bio
Rôles des ITA :
- Appui auprès des semenciers et des organismes dédiés à la sélection (GEVES, obtenteur, …)
- Aide aux producteurs dans le choix des variétés: évaluation, valorisation et le transfert des variétés ;
- et création variétale en vigne et plantes à parfum, aromatiques et médicinales (PPAM)
- Conservation de variétés à typicité régionale pour préserver la biodiversité des espèces cultivées françaises (vignes, lavandins, lin textile)
- Accompagnement scientifique et méthodologique de groupements d’agriculteurs pour tous les modes de production et pour ceux qui veulent se réapproprier la sélection végétale

Dans le domaine animal :
Chez les ruminants : les organismes de sélection sont pilotés par des éleveurs qui choisissent eux-mêmes les orientations de leur race. Les programmes des schémas de sélection reposent sur une construction collective, recouvrant une diversité de situations. Un consensus doit être trouver pour répondre aux attentes et aux systèmes tout en maintenant une adaptabilité nécessaire pour les éleveurs, qui ont des besoins propres. Chaque éleveur établit sa stratégie de sélection intra-élevage grâce à la diffusion des valeurs génétiques des animaux, sous la responsabilité des organismes de sélection déléguée aux ITA. A l’échelle d’une race, on ne distingue pas de programme de sélection différencié en fonction du système de production.
Chez les porcs : la sélection est réalisée par des entreprises privées qui déterminent les orientations des races selon les besoins du marché, et en lien avec les groupements d’éleveurs et les entreprises.
Chez les volailles : ce sont des entreprises privées qui pilotent les orientations des lignées, en réponse aux besoins du marché, notamment exprimés par les groupements d’éleveurs et les entreprises.
En agriculture biologique : les attentes sont un peu différentes : on souhaite des animaux plus robustes car l’environnement est moins contrôlé. On vise une meilleure longévité des animaux en combinant les caractères de reproduction, de survie des jeunes et de résistance aux maladies, tout en gardant une production élevée.
La sélection génomique : Depuis 2010, elle a permis de mieux prendre en compte les caractères fonctionnels et d’élargir le champ des caractères évalués. Des programmes de R&D se sont développés, notamment concernant la santé, la réduction des gaz à effet de serre, et sur la qualité intrinsèque des produits
Rôles des ITA :
- Appui au choix des objectifs de sélection des races animales et au pilotage des programmes multipartenaires et support technique aux organismes de sélection (France génétique Elevage, SYSAAF, établissement de sélection porcine, INRAE… ) du phénotype à la production de méthodes d’évaluations génétiques
- Analyse des résultats des programmes de sélection
- Valorisation et transfert des valeurs génétiques
- Contribution à l’appropriation des races à l’échelle des éleveurs, en partenariat avec les Chambres d’agriculture, d’autres Organismes National à Vocation Agricole, ou dans le cadre de projets nationaux ou européens
- Conservation et gestion des ressources génétiques

Les activités et de création et d’aide à la sélection variétales profitent à l’ensemble des filières en agriculture biologique ou non.

Création variétale et dispositifs d’aide à la sélection :
La création et la sélection de variétés sont majoritairement réalisées par les semenciers, les obtenteurs, les organismes et entreprises de sélection. Parmi les instituts techniques agricoles, seuls l’IFV et l’iteipmai réalisent ces étapes pour leurs espèces végétales.
Parmi les ITA, seuls l’IFV et l’iteipmai réalisent de la création et sélection de variétés. L’IFV accueille dans son Centre de sélection de la vigne plusieurs étapes de l’innovation variétale : création de variétés par hybridation, évaluation de ces nouvelles variétés dans les réseaux de parcelles coordonnés par l’institut. L’iteipmai conduit des programmes de création de variétés de PPAM cherchant un gain de compétitivité, compensant ainsi les faibles investissements des sélectionneurs privés français dans ce secteur. Les critères de sélection dépendent des espèces et sont multiples : productivité (biomasse ou métabolites secondaires d’intérêt), tolérance aux stress biotiques ou abiotiques. Les schémas de sélection sont plus ou moins longs et complexes, selon les moyens dédiés et de l’importance économique de l’espèce. Ces activités profitent à l’ensemble de ces filières, en agriculture biologique ou non.
Les autres ITA participent au processus de sélection par la mise au point d’outils d’aide à la sélection et d’amélioration génétiques :
- Outils de phénotypage
- En grandes cultures : PhénoField pour créer des scénarios différenciés de stress hydrique (ARVALIS), capteurs sur portiques, …
- En élevage porcin : station du Rheu (IFIP et INRAE) pour l’amélioration des animaux futurs
- Marqueurs moléculaires de gènes d’intérêt : pour accélérer le processus de sélection (ARVALIS et Inov3PT)
- Modèle mathématique : ITAVI
- Modèle d’alimentation de précision: pour les souches à croissance lente (ITAVI)
- Centralisation et gestion des données: dans un système national commun à toutes les races (Idele – Institut de l’élevage)
- Projets R&D: exploration et émergence de nouveaux phénotypes ou méthodes de phénotypage en lien avec INRAE (Idele – Institut de l’élevage)
- Simulateur technico-économique : OSIRIS (Idele – Institut de l’élevage)
- Évaluation génétique des reproducteurs: IFIP
- Expertise technique sur la conduite du schéma de sélection: IFIP, Idele – Institut de l’élevage
Les réseaux d’évaluation en agriculture et l’aide aux producteurs dans leurs choix
Les instituts techniques agricoles évaluent, ou participent à évaluer, les variétés et les races pour analyser leurs caractéristiques et comparer leurs performances. Ils peuvent alors orienter les producteurs dans le choix de variétés et de races adaptées à leurs contextes de production et à leurs objectifs commerciaux.
Les résultats issus de ces réseaux sont transmis aux producteurs et à leurs conseillers via des synthèses annuelles et pluriannuelles, et des outils d’aide à la décision, tels que Choix des variétés de blé tendre ou MyVar pour les cultures oléoprotéagineuses, pour accompagner les producteurs dans le choix de leur(s) variété(s).
Dans le domaine végétal :
Les variétés sont évaluées au sein de réseaux d’essais d’évaluation qui rassemblent des acteurs de la sélection et du conseil agricole. Un référentiel pour les agriculteurs bio peut ainsi être établi, en céréales à paille, maïs (ARVALIS) soja, tournesol, féverole (Terres Inovia) légumes, pêches, nectarines, abricots (CTIFL) betteraves (ITB) vigne (IFV). Les résultats issus de ces réseaux sont transmis aux producteurs via des synthèses, annuelles ou pluriannuelles, et d’outils d’aide à la décision (OAD). Une valorisation du progrès génétique au travers de mélanges d’espèces ou de variétés prairiales est mise en place par Idele – Institut de l’Élevage, comme solutions au changement climatique et à l’autonomie protéique.
Dans le domaine animal :
Les instituts techniques participent à l’évaluation des caractéristiques des races animales grâce à plusieurs travaux, par exemple :
En élevages de ruminants, les évaluations génétiques sont réalisées intra-races, pour répondre aux objectifs de la race et des éleveurs. De la documentation zootechnique et des modélisations mathématiques sont co-produites par Idele – Institut de l’élevage et INRAE, au sein d’un UMT (Unité Mixte Technologique).
Dans le cadre du projet européen PPILOW :
- L’ITAB a coordonné les essais d’évaluation des souches de poules bio à double débouché (œufs et viande)
- L’ITAB en partenariat avec l’IFIP et l’INRAE ont évalué l’influence de la race en AB sur :
- Le comportement des animaux en élevage
- Leurs performances de croissance
- La qualité de la viande
Dans le cadre du projet Farinelli, piloté par la FNAB, avec l’ITAB, INRAE et l’IFIP, il a été montré l’importance du choix de la race sur les odeurs de verrat, pour des mâles non-castrés en bio.
L’TAVI évalue les paramètres optimaux pour l’éclosion des œufs à la ferme de différentes souches de poules.

Contacts ITA :

Amélie Carrière – Chargée du programme
Agriculture biologique ARVALIS

Emeric Pillet, Directeur Général de l’ITAB