Contexte / Enjeux

Lors de la 61e édition du Salon International de l’Agriculture, trois instituts techniques agricoles des filières animales (Élevage des ruminants, avicoles et porcins) ont fait le point sur un sujet clé dans le contexte de changement climatique et souverainetés alimentaire et énergétique :  l’agrivoltaïsme.

L’agrivoltaïsme combine production énergétique et production agricole. De nombreuses questions sont soulevées par cette nouvelle filière. L’Idele – Institut de l’Élevage est pionnier dans ce domaine, et travaille en lien avec les autres instituts techniques pour proposer des référentiels aux agriculteurs et éleveurs.

 

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Maîtriser l’équilibre entre production agricole et énergétique

Agrivoltaïsme

L’agrivoltaïsme crée des opportunités pour :

  • la souveraineté alimentaire,
  • l’autonomie énergétique, les projets territoriaux,
  • la diversification des revenus pour les agriculteurs,
  • et l’adaptation au changement climatique.

Mais il y a aussi des risques sur :

  • la photosynthèse
  • le bien-être animal (BEA)
  • l’utilisation et l’artificialisation des sols
  • l’acceptabilité des projets
  • le partage de la valeur

L’inconvénient intrinsèque à la production photovoltaïque est que le flux de production dépend des conditions climatiques et n’est pas toujours en adéquation avec la demande.

Le décret 2024-318 du 8 avril 2024 encadre l’agrivoltaïsme pour garantir la double production et assurer le maintien de la production agricole. C’est le principe de non-concurrence entre activités agricoles et production d’énergie.

Dans le cadre d’un projet agrivoltaïque, les services devant être rendus à la parcelle agricole incluent l’amélioration du potentiel et de l’impact agronomiques, l’adaptation au changement climatique, la protection contre les aléas ainsi que l’amélioration du bien-être animal. Pour garantir la viabilité de ces projets, plusieurs critères doivent être respectés : un taux de couverture des sols limité à 40 %, le maintien du rendement agricole sur l’ensemble de l’installation agrivoltaïque et la mise en place d’une démarche scientifique rigoureuse.

L’agrivoltaïsme en filière ruminants  

C’est dans ce cadre, et celui du contrat d’objectifs avec l’Etat, que l’Idele – Institut de l’Elevage a mené des travaux pour quantifier les impacts des panneaux photovoltaïques sur la production agricole sur différents aspects :

  • La prairie : sa qualité, la quantité d’herbe produite, son évolution floristique
  • L’environnement : gaz à effet de serre, biodiversité, sol, …
  • Le bien-être animal : suivi comportemental, confort thermique
  • La production : performances des animaux, reproduction
  • Le travail et l’aspect social : conception du parc, circulation et contention des animaux
  • L’aspect technico-économique : EBE pour un revenu durable, recommandations pour le système dans sa globalité

Le développement de l’agrivoltaïsme s’est déroulé en premier avec des ovins. Le projet Ovilab, co-entrepris par l’Idele – Institut de l’Elevage et Qair, existe dans le but d’étudier les interactions en situation réelle sur 16 ha de l’exploitation du CIIPRO (Centre Interrégional d’Information et de Recherche en Production Ovine). L’emplacement a été choisi pour limiter les impacts paysagers, environnementaux et territoriaux du projet. À l’horizon 2028, le projet devrait permettre de produire 9.8 GWh d’électricité par an. 7 technologies seront testées au cours de ce projet.

agrivoltaïsme

Les objectifs d’Ovilab :

  • Produire des références fiables et reproductibles sur la combinaison entre la production d’énergie photovoltaïque et la production ovine
  • Tester différentes infrastructures et profils d’équipements et évaluer les impacts de la production d’énergie sur la production agricole : fourragère et ovine
  • Connaître et améliorer les modèles économiques autour de l’agrivoltaïsme pour informer de manière indépendante les futurs porteurs de projets
  • Promouvoir de nouvelles installations en créant un site de visite, de démonstration et de compréhension des enjeux.
  • Accompagner les éleveurs de manière sécurisée dans leurs projets
  • Proposer les fondements d’une filière concertée entre les énergéticiens, les éleveurs et les organisations professionnelles

Un projet inscrit dans le développement durable

Ce projet s’inscrit pleinement dans une démarche de développement durable, avec des bénéfices sur plusieurs plans :

  • Economique : co-financement, retombées fiscales pour le territoire, garantie de démantèlement, courte distance de raccordement
  • Environnemental : sans artificialisation et sans béton, installation 100% réversible, plantation de haies, recyclage des panneaux solaires, énergie 100% renouvelable et locale
  • Social : financement participatif, forte intégration paysagère, résultats accessibles à tous, volet pédagogique lors des visites du site

La recherche est sollicitée pour concevoir des centrales adaptées à l’accueil des troupeaux, donc compatible avec la production agricole. L’agrivoltaïsme soulève de nouvelles questions techniques à éclairer. L’Idele – Institut de l’Elevage a produit un guide de l’agrivoltaïsme appliqué à l’élevage de ruminants, qui est à destination des filières ovines mais qui devrait s’étendre aux bovins d’ici l’été 2025. L’institut fournit des recommandations concernant les équipements d’élevage, le chargement des prairies, les couverts prairiaux, l’intégration des panneaux dans le système fourrager, la conception du parc.

Des recherches sont toujours en cours pour mieux comprendre les impacts de l’agrivoltaïsme  :

  • impacts zootechniques : stress thermique des animaux, performances zootechniques, bien-être animal
  • impacts agronomiques : résistance à la sécheresse ou réduction de la photosynthèse, évolution de la composition floristique (qualité et quantité)
  • impacts sur le système de production dans sa globalité : aspects technico-économiques, conditions de travail, et aspects environnementaux.

Pour assurer la compatibilité entre production agricole et énergie solaire, il est essentiel d’évaluer trois aspects :

  1. L’analyse du système d’élevage dans son ensemble.
  2. Les dimensions structurelles et économiques du projet pour garantir un revenu durable.
  3. La gestion de la prairie et de son équilibre écologique.

Afin de produire des références pour l’agrivoltaïsme en filière bovine, Voltalia, l’Idele, le Centre d’élevage de Poisy et les Chambres d’agriculture de l’Ain, de l’Isère, de Savoie et de Haute-Savoie ont mis en place le démonstrateur de Poisy. L’installation comprend des rangées de panneaux photovoltaïques disposés à différentes hauteurs permettant de comparer les effets sur le comportement des animaux, notamment leur accès à l’ombre, et sur le microclimat, avec une zone témoin sans panneaux. Elle a pour but de mesurer et analyser l’impact sur les bovins en termes de bien-être animal, de comportement animal et sur la qualité et quantité des productions fourragères.

L’agrivoltaïsme en élevages de monogastriques

L’agrivoltaïsme est très récent dans la filière porcine car les cochons sont majoritairement élevés en bâtiments. Mais ceux élevés en plein air peuvent souffrir de la chaleur. Les panneaux photovoltaïques fournissent de l’ombre qui pourraient augmenter le bien-être des animaux. L’IFIP – Institut du porc a mené un suivi du bien-être animal des procs élevés en plein air en agrivoltaïsme pour étudier l’impacts des panneaux photovoltaïques.

Des cochons en plein air dans un parc agrivoltaïque - ©CVE
Des cochons en plein air dans un parc agrivoltaïque - ©CVE

Les domaines de l’étude sont :

  • Les performances zootechniques : résultats à l’abattoir (poids carcasse, qualité de la viande), par animal et pour tous les lots
  • Le suivi de la santé : lésions corporelles (pouvant être dues à l’agressivité des porcs), propreté, coup de soleil. Suivi par animal, au cours de deux saisons minimum (été et hiver), complété par des entretiens avec le vétérinaire d’élevage
  • Le suivi comportemental : activité global, occupation des zones, interactions sociales, comportement exploratoire. Suivi par animal au cours de deux saisons minimum (été et hiver)
  • Le suivi de l’occupation des zones : pour chaque saison et selon plusieurs conditions météo
  • Le suivi du confort des animaux : données météorologiques et températures mesurées sous les panneaux photovoltaïques, dans les abris et sans protection.

En élevage de volailles, on a davantage de recul sur l’agrivoltaïsme car il est plus développé grâce à un plus grand nombre d’élevages de plein air. L’ITAVI a réalisé des suivis sur 8 suites en pondeuses, chair ou palmipèdes. Les critères étaient le bien-être animal avec un indicateur de stress thermique, la qualité environnementale, et la gestion générale du parcours. L’institut est en appui dans les projets pour des apports techniques dans la phase de montage de projet :
– Qenergy : scénarios d’implantation et d’aménagement des parcours, analyse des forces et des faiblesses (simulation économique, services rendus, qualité environnementale et biosécurité, au regard des besoins de l’élevage)
– Neoen : recommandations spécifiques pour justifier du respect des bonnes pratiques sanitaires sur une atelier de poules pondeuses intégrant un projet d’agrivoltaïsme.

L’aménagement des parcours en volailles plein air est un levier pour ces filières face au changement climatique. L’agrivoltaïsme fait partie de ces possibilités d’aménagement qui peuvent apporter des contributions environnementales.
L’acceptabilité par les consommateurs est un enjeu interfilière. L’ITAVI dans ses études sur l’agrivoltaïsme organise des réunions de consommateurs-citoyens pour appréhender les perceptions des projets d’agrivoltaïsme sur le produit et le paysage.

L’agrivoltaïsme pour des fruits et légumes plein champ  

Les végétaux aussi peuvent rentrer dans le cadre de projets agrivoltaïques. Il existe déjà 500 ha de système installé. Les questionnements qui sous-tendent les expérimentations menées par le CTIFL, et les projets qu’il suit, sont :

  • Le partage de la lumière entre l’agriculture et l’énergie, qui peut être amélioré par le design ou des panneaux plus transparents
  • Les indicateurs de suivis de projets : climat, culture, rendement, qualité des récoltes
  • L’efficience en eau, via la récupération de l’eau par exemple

Il y a un fort besoin d’expérimentation, notamment en arboriculture. C’est pourquoi le CTIFL réalise un suivi en filière arboricole afin de créer des références et pouvoir orienter le choix des agriculteurs.

Les conséquences des panneaux photovoltaïques sur la production agricole dépendent du contexte pédoclimatique, de la gestion des prairies dans le cadre d’élevage de ruminants, et su type de technologie employée. Dans cette thématique de l’agrivoltaïsme, le réseau des ITA est une force car il permet de définir des protocoles et méthodologies communes inter-instituts pour accélérer l’acquisition de références et de connaissances collectives. Des outils collectifs se mettent également en place pour favoriser ce travail commun, comme l’observatoire de l’ADEME et le PNR INRAE.

« C’est en travaillant ensemble qu’on arrivera à mettre en place une production sur le territoire », assure Joël Merceron Directeur général de l’Idele – Institut de l’Élevage, car l’énergie renouvelable est un secteur important.

Joël Merceron Directeur général de l’Idele - Institut de l’Élevage lance le temps fort sur l’agrivoltaïsme au SIA 2025 - ©Acta MSP
Joël Merceron Directeur général de l’Idele - Institut de l’Élevage lance le temps fort sur l’agrivoltaïsme au SIA 2025 - ©Acta MSP