L’apport des technologies dans la prise en compte de la pénibilité du travail en agriculture et en forêt

Contexte / Enjeux
Le monde du travail subit de profondes mutations : il est toujours plus connecté, avec toujours plus de technologies et d’équipements. Il est aussi de plus en plus médiatisé, et chaque évolution se retrouve sur les réseaux.
Dans le monde agricole et sylvicole, cela se traduit aussi par un agrandissement des exploitations, plus d’interventions en forêt dues aux changements climatiques. La charge de travail augmente donc. En parallèle, on recherche une certaine qualité de vie au travail. C’est pourquoi les technologies d’assistance technique connaissent un véritable essor. Et cet objectif d’améliorer la qualité de vie passe aussi par des compétences et de la formation.
Améliorer la qualité de vie au travail des actifs agricoles et sylvicoles : deux exemples concrets d’appui des instituts techniques avec l’Idele-Institut de l’Élevage et l’Institut de développement forestier IDF-CNPF.
Aujourd’hui, 70% de la traite se fait sans robot. C’est donc une pratique qui doit rester réaliste et attractive. Pour éviter les troubles musculosquelettiques (TMS), qui sont la première maladie professionnelle en lien avec la traite, il est nécessaire de mieux comprendre l’activité de traite. La technologie de « motion capture » permet, grâce à une combinaison et un logiciel, de suivre en direct les mouvements du trayeur et d’identifier les mouvements particulièrement contraignants sur les articulations.

Comment fonctionne la technologie de « motion capture » ?
La combinaison portée par le trayeur permet d’enregistrer les mouvements et rotations des membres. Le logiciel créé un avatar qui évolue en parallèle du trayeur. Il indique aussi quelles articulations subissent une forte contrainte, grâce à un code couleur. L’écran affiche la vidéo en direct du trayeur, ainsi que l’avatar correspondant. Cela rend possible l’étude du mouvement, sans perturber l’activité de traite, la combinaison étant suffisamment fine pour se porter sous la cotte. Il existe même une technologie sur téléphone ou tablette qui ne nécessite pas de combinaison pour créer l’avatar.

L’objectif est de comprendre pour améliorer, car les structures laitières évoluent.Il y a des pics saisonniers de charge de travail et surtout, il n’y a pas de lait sans traite. C’est pourquoi il y a « besoin d’améliorer l’attractivité de la traite » explique Jean-Louis Poulet, ingénieur référent traite de l’Idele – Institut de l’Élevage.
Cette technologie permet d’aborder le sujet de la traite avec les jeunes, car c’est abordé sous un angle différent. Sinon, ils considèrent qu’ils connaissent la traite. Mais la possibilité d’« imaginer des traites plus confortables demain » selon Jean-Louis Poulet, permet de les intéresser.

Une autre technologie fait beaucoup parler d’elle : les exosquelettes.
Il en existe deux types :
- Les exosquelettes actifs, qui fonctionnent grâce à des batteries, moteurs ou autres mécanismes actifs,
- Les exosquelettes passifs ou « ergosquelettes » sont des structures portées par les opérateurs qui “capture” l’énergie via des élastiques ou des ressors et la restitue sur des zones fortes du corps (les hanches par exemple) pour redistribuer l’effort
Les exosquelettes sont des technologies qui permettent des « humains préservés, pas augmentés » selon Clarine Lenormand, ergonome au FCBA en lien avec IDF -CNPF.
C’est un secteur qui évolue beaucoup, avec des nouvelles fonctionnalités ou des exosquelettes plus confortables. L’ergonome précise que « ça vaut le coup d’expérimenter » et de « ne pas s’arrêter à ses préjugés » concernant ces technologies.

Il est plus facile de mettre en place un exosquelette quand le métier est à la chaîne, mais la polyvalence des tâches n’est pas incompatible avec l’exosquelette. Il est important de bien choisir son modèle, et de se faire accompagner par des professionnels. Quand un exosquelette est bien intégré, il peut avoir des effets très positifs. Mais ce n’est pas une solution miracle, et il ne résout pas la cause du problème. Donc, avant de mettre en place un exosquelette, il est important de regarder s’il n’existe pas d’autres solutions.
On est au début de l’utilisation des exosquelettes pour la traite. Certains dispositifs ont été étudiés dans le projet ExoTraite, animé par les Chambres d’agriculture de Normandie. Ils sont mis en place dans les élevages laitiers pour soulager les bras. La traite est une activité à part, car les gestes sont répétitifs mais très variés, car différents pour chaque vache.
Le suivi de certains trayeurs équipés d’exosquelette a montré plus de contraintes que d’avantages, par manque de réflexion en amont. L’évolution de la salle de traite en elle-même a permis de diminuer la pénibilité dans ces cas.
Quand les TMS sont déjà légèrement présents, un suivi médical est nécessaire pour que le report de charge ne se fasse pas sur une zone du corps déjà fragilisée elle aussi.
Il existe aussi des retours très positifs, car les exosquelettes permettent de maintenir la traite en fin de carrière.
Qu’en pensent les jeunes ?
Deux grandes tendances se dessinent :
- Ceux qui sont pour l’exosquelette, pour des raisons de modernité et de santé,
- Ceux qui ont plutôt un ressenti négatif concernant l’exosquelette, car ils se sentent en pleine forme et donc considèrent qu’ils n’en ont pas besoin
Les jeunes n’ont globalement que peu de connaissances sur ces technologies. Ce n’est donc pas un facteur qui aide au recrutement, mais qui peut aider à fidéliser ceux déjà en poste.
Les technologies concernant la pénibilité sont en plein développement et leur utilisation sur le terrain est encore au stade d’expérimentations. Mais elles présentent de réels atouts pour améliorer la qualité de vie au travail et augmenter l’attractivité de certains métiers.
Ce sujet a été présenté lors d’une conférence réalisée au Salon International de l’Agriculture, le 27 février 2025.
Retrouvez les interviews de Jean-Louis Poulet, ingénieur référent traite de l’Idele – Institut de l’Élevage et Clarine Lenormand , ergonome au FCBA.