FR - Impact du changement climatique sur les cultures maraîchères en Guadeloupe : Constats, enjeux et pistes d’adaptation

Contexte / Enjeux
Depuis plusieurs années, les signes du changement climatique s’intensifient aux Antilles, avec des conséquences directes et indirectes sur les productions agricoles et notamment sur les cultures maraîchères. L’Institut Technique Tropical (IT2), fait le point sur les effets constatés en Guadeloupe ces deux dernières années, notamment sur les filières maraîchères, particulièrement exposées.
Des conditions climatiques de plus en plus instables
Les événements extrêmes — fortes pluies, sécheresses, cyclones — se multiplient, perturbant fortement les cycles agricoles. Ainsi, en 2023, la tempête Philippe puis le cyclone Tammy ont provoqué de fortes inondations en Grande-Terre, entraînant des pertes agricoles importantes (Figure 1). En mars 2024, des pluies exceptionnelles ont de nouveau nécessité l’activation des procédures de calamité agricole. Ces excès d’eau causent asphyxie racinaire, érosion des sols, et favorisent la prolifération de bioagresseurs, notamment fongiques, parfois entomologiques. Ces pressions sont accentuées par l’impraticabilité des parcelles et l’impossibilité d’effectuer des traitements.
L’année 2025 avait plutôt bien commencé pour les maraîchers, contrastant avec un début 2024 très humide. Mais les fortes pluies de la première quinzaine de mai notamment — 151,3 mm enregistrés en 12 jours au Moule — ont à nouveau causé des inondations et favorisé le développement de pathogènes (Figure 2). Ce cumul dépasse celui de mai 2017 (147,2 mm en 11 jours) et reste largement au-dessus de la moyenne décennale pour cette période (46,7 mm).
Cette instabilité climatique s’inscrit dans une tendance de fond : les données montrent une hausse des températures moyennes, avec une augmentation d’environ 1°C fin 2023, prolongée en 2024. Les saisons deviennent moins marquées, rendant la planification culturale de plus en plus compliquée.

Des cultures maraîchères particulièrement vulnérable
Si toutes les cultures sont concernées (banane, tubercules, vanille, …), les productions maraîchères apparaissent parmi les plus vulnérables. Les pertes de rendement y sont parfois alarmantes : jusqu’à 70 % pour la tomate, dont la nouaison optimale exige des nuits sous les 24°C, seuil de plus en plus rare.
La cécidomyie des fleurs (C. maculipennis), bien implantée sur le territoire, affecte tomates, piments, aubergines et/ou pastèques. L’humidité favorise sa prolifération, avec parfois 100 % de pertes.
La laitue souffre de stress thermique et de maladies fongiques ; le melon de pourriture du collet par Didymella bryoniae ; la vanille, culture emblématique, voit sa floraison réduite à moins de 10 % en 2024.

Une pression parasitaire croissante et des solutions limitées
Le changement climatique s’ajoute à d’autres facteurs comme le retrait progressif des substances actives. Des bioagresseurs auparavant secondaires gagnent du terrain, tandis que de nouvelles espèces apparaissent. C’est le cas de la punaise noire (Brachyplatys subaeneus), nuisible aux légumineuses ou de la cicadelle Amrasca biguttula, identifiée en 2024 en Guadeloupe, vectrice de maladies notamment sur aubergine et gombo. Le scolyte des baies du caféier (Hypothenemus hampei) a été repéré et identifié en Guadeloupe en 2021.
S’adapter pour résister
Dans ce contexte, les producteurs doivent faire évoluer leurs pratiques.
L’adaptation passe par le déploiement de combinaisons de leviers – qui sont pour la plupart déjà bien identifiés au niveau national mais encore insuffisamment développés dans les territoires ultra-marins : sélection variétale, solutions de biocontrôle, amélioration du drainage, serres ou filets anti-insectes, adaptation des calendriers culturaux et innovations dans les pratiques culturales et la surveillance.
Le changement climatique redéfinit les conditions de production agricole en Guadeloupe et plus largement aux Antilles françaises. Les cultures maraîchères, particulièrement sensibles, sont en première ligne. L’enjeu est double : accompagner techniquement les producteurs et accélérer le développement de solutions de protection intégrée. La recherche et l’expérimentation seront déterminantes pour maintenir la résilience du secteur.
Référente technique
Marcel BOHRER, N’Kolba Dimiline TAHABA et Coralie JULAN
Partenaires scientifiques
- Météo-France
- Organisations de producteurs locales