Connecter les réseaux de l’enseignement agricole et les DIGIFERMES®

Contexte / Enjeux
Dans le cadre du Salon International de l’Agriculture de 2025, et sur le thème de la compétitivité des exploitations agricoles et sylvicoles, l’importance d’accompagner la formation au numérique a été présentée sur le stand de l’Acta. Ce temps fort a réuni des acteurs du réseau des DIGIFERMES® et du réseau thématique “Reso’them” Agriculture Numérique et Agroéquipements de l’enseignement agricole. Les intervenants ont présenté les interactions entre les deux réseaux, et leur pertinence dans l’accompagnement de la formation au numérique dans l’enseignement agricole au travers de quelques témoignages.
Présentation du réseau des DIGIFERMES® par Julie Menadi (Acta)
Les DIGIFERMES® sont un réseau de fermes expérimentales pilotées par une structure de Recherche, Développement et Innovation qui permettent d’évaluer les nouvelles technologiques de manière objective et rigoureuse. Elles testent des solutions numériques en conditions réelles, en lien avec les territoires, les filières et les acteurs de l’écosystème agricole et de l’AgTech.

Les axes de travail du réseau :
- Digitalisation des agroéquipements : robotique, agriculture de précision, performances des solutions, attractivité pour moduler finement les interventions ;
- Pilotage tactique : outils d’aide à la décision (OAD), capteurs pour guider vers la meilleure décision ;
- Pilotage stratégique : pilotage d’informations pluriannuelles, organisation du travail, cours des marchés pour optimiser le métier d’agriculteur ;
- Gestion des données agricoles : fiabilité et donnes en temps réel pour gagner en réactivité et efficacité.
Fonctionnement des DIGIFERMES®
Les fermes du réseau mettent en place des expérimentations. Leur taille, leur fonctionnement et leurs productions sont très proches de fermes commerciales, ce qui leur permet de créer des référentiels sur des innovations technologiques. Elles testent entre autres des capteurs, des objets connectés, des logiciels, des solutions robotiques et prennent des mesures.

Le numérique permet de travailler sur une grande diversité de questions. Les fermes centralisent les solutions et font un retour objectif car elles sont indépendantes des entreprises proposant ces solutions testées.
C’est une des forces du réseau, comme le fait qu’il soit composé d’experts et de techniciens qui mettent en place une méthodologie robuste et rigoureuse, dans le but de répondre aux besoins des agriculteurs.
Une des ambitions du réseau est de couvrir tout le territoire car chaque région a ses spécificités. I faut donc que les solutions soient modulables et adaptables, ou que les DIGIFERMES® fassent un retour sur la pertinence des solutions selon les conditions de production.

Les fermes font également du transfert et des démonstrations, en accueillant des professionnels, des étudiants et le grand public pour sensibiliser et former aux questions du numérique en agriculture.
Le numérique dans l’enseignement agricole, par Vincent Jehanno, animateur du réseau thématique Agriculture Numérique et Agroéquipements du collectif Reso’them (DGER)
L’enseignement agricole technique couvre les formations initiales, les formations en apprentissage et la formation continue. Mais les missions des établissements d’enseignement agricole sont plus étendues.
Les missions de l’enseignement agricole technique :
- Assurer une formation générale, technologique et professionnelle initiale et continue ;
- Participer à l’animation et au développement des territoires ;
- Contribuer à l’insertion scolaire, sociale et professionnelle des jeunes et à l’insertion sociale et professionnelle des adultes ;
- Contribuer aux activités de développement, d’expérimentation et d’innovation agricoles et agroalimentaires ;
- Participer à des actions de coopération internationale, notamment en favorisant les échanges et l’accueil d’élèves, apprentis, étudiants, stagiaires et enseignants.
- Et dans le cadre de la LOA prochainement promulguée, une 6ème mission arrive : mettre en œuvre toute action visant à répondre durablement aux besoins d’emplois nécessaires pour assurer la souveraineté alimentaire et assurent le développement des connaissances et des compétences en matière d’adaptation climatique et environnementale.

La question du numérique professionnel prend une ampleur plus importante ces dernières années, tant dans les programmes des formations qu’au niveau des projets et des actions des exploitations et ateliers technologiques des établissements d’enseignement agricole. C’est d’autant plus vrai pour les lycées dont les exploitations sont labellisées DIGIFERME® (fermes de La Cazotte et Ferme du Pradel).
Présentation du réseau Agriculture Numérique et Agroéquipements
Le réseau Agriculture Numérique et Agroéquipements du collectif Reso’them de la DGER vient en appui aux établissements d’enseignement agricole dans la mise en œuvre de projets par des actions de veille, d’information, de formation, d’accompagnement collectif ou individuel, de mutualisation et de valorisation des actions. Il a été créé en 2022. Dès la première phase de travail de ce réseau (phase d’état des lieux de l’existant), les premiers contacts avec le réseau des DIGIFERMES® se sont fait rapidement, via les liens “historiques” qui existaient déjà (visites ou journées thématiques sur les stations, en plus des exploitations déjà labellisées). Il est apparu l’opportunité d’amplifier les initiatives communes pour aller plus loin et permettre à plus d’acteurs de l’enseignement agricole de bénéficier des opportunités de liens avec le réseau des DIGIFERMES®. Par ce moyen, cela permet de favoriser la démultiplication des actions sur le numérique dans les établissements d’enseignement agricole, que ce soit auprès des exploitations ou sein des formations. Plusieurs exemples peuvent illustrer comment cela se traduit sur le terrain :
Exemple régional
En région Normandie, animé par la DRAAF/SRFD et avec l’appui du réseau thématique, il y a eu en 2023 et 2024 un important travail pour redynamiser les équipes des lycées agricoles dans une optique de travail collectif. L’organisation d’un regroupement des directeurs d’exploitations et d’ateliers technologiques sur la DIGIFERME® de La Blanche Maison a ainsi permis de relancer cette dynamique. Une journée porte ouverte s’est ensuite mise en place sur la station, avec notamment un stand présentant les DIGIFERMES®. Suite à ces 2 temps de « lancement », 2 réunions de travail collectif des équipes des établissements ont permis de mettre en place 4 groupes de travail à l’échelle de la région : Robotique / Herbomètre opensource / Adaptation au changement climatique / Parcelle et paysage. L’objectif est de mettre en place un fonctionnement collectif, où personne ne se retrouve isolé à travailler sur ce sujet, et de permettre d’échanger sur les actions de chacun, ainsi que de prévoir des initiatives communes.
Et au niveau national
Dans le cadre du dispositif national d’appui qui permet d’accompagner le personnel de l’enseignement agricole par de la formation continue, la Bergerie Nationale propose aujourd’hui des formations à destination de l’ensemble du personnel de l’enseignement agricole sur les questions de l’usage du numérique en agriculture.
Le programme de ces actions de formation s’appuie notamment sur l’expertise et les personnes ressources du réseau des DIGIFERMES®. Ainsi, en 2024, une journée de cette formation s’est délocalisée sur la DIGIFERME® de Boigneville avec parmi les thématiques explorées les méthodes de désherbage alternatif permis par le numérique. Pour 2025, le programme en préparation s’axera plutôt sur l’utilité du numérique en élevage, avec un focus sur l’utilisation des drônes et de l’IA (Intelligence artificielle). Cela favorise ainsi le travail en commun et la mise en relation d’équipes des établissements d’enseignement agricoles avec les acteurs du réseau des DIGIFERMES®.
Différents projets sont également montés avec des DIGIFERMES®, de l’échelle régionale à européenne. Les résultats seront alors réutilisables dans des projets intra ou interfilières. Ces projets permettent de valoriser le travail des DIGIFERMES® pour demain au travers de l’enseignement agricole.
La DIGIFERME® de la Cazotte, témoignage de Marie Renevey (Idele – Institut de l’Élevage)
L’exploitation du lycée agricole de La Cazotte a été labellisée DIGIFERME® en 2022, c’est la 1ère DIGIFERME® en ovin laitier.

La ferme de La Cazotte, une ferme en production
L’exploitation rassemble :
- 541 brebis laitières Lacaune en AOP Roquefort,
- 58 brebis allaitantes Lacaune en bio et vente directe,
- 20 génisses Aubrac en bio et vente directe,
- 23 chevaux New Forest à visée pédagogique,
Le tout sur 244ha, dont 110ha en agriculture biologique. C’est une ferme en production.
La ferme de La Cazotte, une ferme expérimentale
La ferme a une convention de partenariat avec l’Idele – Institut de l’Elevage et le Comité National Brebis Laitières (CNBL). Elle fait partie du réseau des DIGFERMES®, qui testent des innovations numériques au service de l’agriculture. C’est une ferme expérimentale.

La ferme est un des centres constitutifs de l’Etablissement Public Local d’Enseignement et de Formation Professionnelle Agricoles (EPLEFPA) de La Cazotte, qui rassemble un lycée agricole, un Centre de Formation d’Apprentis (CFA) et un Centre de Formation Professionnelle et de Promotion Agricoles (CFPPA). C’est une ferme pédagogique. Bien qu’elle serve de support à des expérimentations n’empêche pas le fait qu’elle doive être rentable, pour être un bon support d’enseignement.
L’EPLEFPA accueille 600 élèves, et 2 200h d’enseignement se passent sur la ferme chaque année, en majorité des heures de travaux pratiques. Et en plus de ces heures sur le terrain, la ferme fournit des données à utiliser dans d’autres matières, en physique par exemple.
Le personnel travaillant sur la ferme sensibilise sur les technologies déjà présentes sur la ferme, et sur ceux qui pourraient être mis en place. Il recueille également les attentes des élèves sur ces questions de l’agriculture numérique.
Témoignage de Pierre Champeyrol, professeur de TIM au lycée du Robillard et correspondant pour l’EA du RMT Naexus

La mission d’enseignant en Technologies de l’Informatique et du Multimédia (TIM) est spécifique à l’enseignement agricole. Deux tiers du temps sont consacrés à l’enseignement et le tiers restant est dédié à l’animation et à l’accompagnement des équipes de l’établissement sur les questions relatives aux solutions numériques. Aujourd’hui, l’évolution des formations dans l’enseignement agricole met l’accent sur l’approche capacitaire. Ainsi en BTS, l’équipe enseignante travaille collectivement autour de l’enseignant TIM pour intégrer le numérique dans les différentes matières et situations professionnelles supports de l’enseignement. Ils forment les élèves à comprendre par exemples les outils d’aide à la décision (OAD) tel que les solutions de monitoring du troupeau, à utiliser les réseaux sociaux, à pouvoir discuter avec les professionnels, de l’agro-équipement notamment.

Dans l’établissement du Robillard, qui se situe dans le pays d’Auge en Normandie, ils se concentrent aussi sur l’approche « DIY » ou « faites-le vous-même ». Ils ont pour cela un FabLab et des imprimantes 3D. Les élèves ont pu apprendre à fabriquer un herbomètre opensource, qui est un outil numérique qui mesure la pousse de l’herbe d’une prairie et permet ainsi le pilotage du pâturage. Le réseau des enseignants de TIM est bien organisé en Normandie, avec des groupes de travail constitués (cf. point précédent sur l’exemple de dynamique régionale). Les professeurs de TIM sont alors des relais pour lancer des projets (sur les données, le numérique, …). Cet outil pour mesurer la pousse de l’herbe, dont le projet a été monté dans le lycée du Robillard, se développe aujourd’hui dans d’autres territoires normands via ce réseau, et prochainement au-delà.
Dans l’enseignement agricole, il y a besoin d’accompagner les équipes pédagogiques sur les nouveaux programmes sur le numérique, et sur la mise en œuvre des technologies dans les exploitations et ateliers technologiques.
Les exploitations du réseau des DIGIFERMES® sont certes des lieux d’expérimentation en conditions réelles, mais aussi des lieux de transfert.
La connexion entre les deux est naturelle, et se met progressivement en place. Ils ont des besoins et des missions communs, représentatifs des acteurs du secteur agricole et de l’enseignement.