Contexte / Enjeux

Si les femmes ont longtemps constitué la moitié de la population agricole, leur nombre a considérablement diminué au cours de la modernisation agricole du 20e siècle et stagne aujourd’hui à 26% du total des chefs d’exploitation.

Elles semblent porteuses de projets spécifiques et confrontées à des difficultés particulières pour l’accès ou l’exercice des métiers de l’élevage. Elles sont, plus fréquemment que les hommes, non issues du milieu agricole, installées plus tard ou encore réalisant une carrière courte.

La reconnaissance du travail des éleveuses et salariées d’élevage, de leurs responsabilités et l’équité femmes-hommes sont des enjeux que le Groupement d’Intérêt Scientifique (GIS) Avenir Elevages a étudiés spécifiquement avec un double objectif : faciliter leur entrée dans le métier et favoriser leur épanouissement au travail.

Analyse des parcours et défis des éleveuses dans un secteur majoritairement masculin

Afin de comprendre les spécificités des parcours des éleveuses et de l’exercice de leur métier, le groupe de travail “Femmes en élevage” du GIS Avenir Elevage a analysé les trajectoires de femmes installées, identifié les freins matériels et sociaux spécifiques auxquelles elles sont confrontées, caractérisé leur insertion dans une profession numériquement et symboliquement masculine, et enfin saisi les liens entre leur parcours de femme et leurs pratiques de travail.

Renforcer l’attractivité des métiers de l’élevage auprès des femmes, améliorer leur bien-être au travail et leur reconnaissance professionnelle tout en soulignant leur rôle crucial dans la transition agroécologique constituent des enjeux majeurs pour la consolidation d’un secteur en proie à une forte érosion démographique.

Photo éleveuse bergère

Les objectifs du groupe de travail ont été de :

  • Donner la parole aux éleveuses ;
  • Mieux comprendre les spécificités de l’accès et de l’exercice des métiers de l’élevage au féminin ;
  • Comprendre comment renforcer l’attractivité des métiers auprès des femmes en facilitant l’installation et le maintien d’éleveuses et de salariées ;
  • Identifier des freins éventuels à leur épanouissement dans le métier en analysant les parcours d’installation, les pratiques de travail, leur insertion dans le milieu socioprofessionnel agricole, leurs relations aux animaux.
femme en élevage

Périmètre d’étude et méthodologie

Le périmètre d’étude comprend les filières bovines lait et viande, porcine, ovine lait et viande, caprine et avicole.

L’enquête a consisté en 17 entretiens semi-directifs auprès de cheffes d’exploitation au profil varié (âge, origine sociale, filière, système, territoire), ainsi qu’en un sondage adressé à un panel d’éleveurs et d’éleveuses auquel 162 hommes et 149 femmes ont répondu.

Afin d’analyser la répartition genrée des tâches, les pratiques dans l’exercice des métiers ainsi que leur reconnaissance au travail, nous avons documenté l’expérience de travail des femmes et leur épanouissement professionnel en fonction de différents types de collectifs de travail dans lesquelles elles sont insérées :

  • installée seule,
  • dans un collectif féminin,
  • dans un collectif mixte sans lien conjugaux
  • et enfin en équipe conjugale.

Résultats des entretiens avec les éleveuses

L’enquête met en évidence des problématiques claires liées au genre, faisant écho à ce que l’on peut observer dans d’autres secteurs économiques :

  • Des difficultés d’accès au foncier ;
  • Une invisibilisation et un morcellement des tâches réalisées par les femmes associées avec un ou plusieurs hommes ;
  • L’absence de frontière claire entre vie familiale et vie professionnelle (elles s’occupent des enfants en même temps qu’elles travaillent) pour les femmes associées avec leur mari et dont la ferme se confond avec le lieu d’habitation ;
  • Un manque de reconnaissance quand elles sont associées à un homme (mais moins marqué pour les éleveuses installées seules ou entre femmes) ;
  • Un déficit des services de remplacement (elles se font remplacer par des hommes qui effectuent les « boulots d’hommes », et donc elles continuent à travailler sur leurs tâches spécifiques) ;
  • Une absence de femmes dans les instances de décision agricoles. Plus on monte dans la hiérarchie symbolique des mandats, moins elles sont présentes ; ceci est en partie dû au travail domestique, très largement réalisé par les femmes ;
  • Le matériel agricole n’est pas adapté aux femmes, qui, face aux contraintes, peuvent alors être porteuses d’innovations: améliorer l’outil, contourner la tâche, changer les pratiques de travail avec pour objectif la facilitation de leur travail. Cette amélioration va parfois également bénéficier à l’ensemble du collectif voire dans certains cas aux animaux.

Premiers résultats du sondage

L’analyse des résultats du sondage sont encore en cours, mais des pistes émergent :

  • Les résultats illustrent très nettement la répartition genrée des tâches (professionnelles et domestiques) évoquées précèdemment, notamment dans les collectifs mixtes ou dans les équipes conjugales ;
  • Un sentiment d’autonomie et de reconnaissance plus prononcé chez les éleveuses installées seules ;
  • 94 % des femmes interrogées expriment des difficultés avec un équipement en raison de son poids, de sa taille ou de la répétition de la tâche. C’est 75 % pour les hommes, qui se plaignent surtout de la douleur liée à répétitivité de certains gestes.

Pour aller plus loin

Le Groupement d’intérêt scientifique (GIS) a organisé un webinaire autour de la question des femmes dans les métiers de l’élevage le 19 décembre 2023. Il a rassemblé 140 personnes et a permis de restituer et de discuter les travaux sur ce thème entre janvier 2023 et décembre 2023.

Voir le webinaire

Le GIS Avenir Elevages rassemble 23 membres intervenant tous dans le secteur de l’élevage, représentant la recherche et l’enseignement supérieur (Inrae, Anses, instituts agro…), la recherche-développement (instituts techniques), la création génétique, le conseil en élevage, les chambres d’agriculture et les interprofessions.

Son objectif, depuis plusieurs années, est de « produire et de diffuser de nouvelles connaissances et innovations pour un élevage durable et créateur de valeur ajoutée permettant de jeter les bases d’une nouvelle ère de progrès pour les systèmes de productions animales ».

Les partenaires :

CNE, CNIEL, Idele, Ifip, INRAE, Interbev, Itavi

Contact :

James Hogge, Chargé de mission « Femmes en élevage » à l’Idele / Email : james.hogge@idele.fr

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