Contexte / Enjeux

Dans un contexte où l’agriculture s’intensifie et où les exploitations se spécialisent, la mise en place de partenariats entre éleveurs et agriculteurs spécialisés dans la production végétale semble être pertinente afin de garantir une agriculture plus durable et compétitive. Mais quelles formes peut prendre cette association et quels sont les freins et leviers à de telle coopération ?

Louise MANCEL, élève ingénieure à l’Ecole Supérieure d’Agriculture d’Angers, et stagiaire au sein de l’Acta, dans la cadre de la mission REVE (Reconnexion Végétal – Animal) portée par 4 GIS filières et en partenariat avec le RMT SPICEE, a tenté de répondre à cette problématique au travers d’enquêtes qualitatives de porteurs d’initiatives. Celles-ci ont permis de caractériser les contraintes rencontrées et les solutions apportées par divers acteurs lors de la mise en place d’interactions culture-élevage à l’échelle territoriale.

Cette étude a été menée dans le cadre de la mission exploratoire REVE : Reconnexion Elevage Végétal. Ce projet est à l’initiative des Groupements d’Intérêt Scientifique (GIS) Avenir Elevages, Grandes Cultures, Fruits et Légumes et du RMT SPICEE (Structurer et Produire l’Innovation dans ses Systèmes ayant des Cultures et de l’Elevage Ensemble).

Quels sont les motivations pour mettre en place des interactions culture-élevage entre exploitations agricoles ?

Cette enquête a permis de collecter les principales motivations des agriculteurs pour établir une connexion entre culture et élevage, à savoir :

 

Pour les éleveurs :

Leur objectif est de gagner en autonomie alimentaire en s’extrayant des aléas du cours des marchés mondiaux

Pour les céréaliers :

Leur objectif est une amélioration des aspects agronomiques de leurs parcelles

 

Si de prime abord les motivations sont d’ordre technique, les agriculteurs soulignent aussi l’importance pour eux de l’entraide, des liens entre producteurs.

Quels types de partenariats mettre en place ?

Tout d’abord, il n’existe pas une seule forme de partenariat. La bonne combinaison est avant tout celle qui matche entre les besoins et contraintes de chacun des partenaires.

Ainsi, le type de collaboration est établi selon le projet défini, et il est tout à fait possible de participer au montage d’un partenariat ou bien d’en rejoindre un déjà existant. En terme général, dans un partenariat en binôme le contact est plus direct et la coordination s’établit plus facilement et rapidement. Ce type de collaboration (tel que de l’échange paille-fumier entre éleveurs et céréaliers) est courant, principalement dans les régions mixtes, lorsque des productions animales et végétales cohabitent. Les partenariats en binôme peuvent aussi être établis entre bergers et viticulteurs, ou arboriculteurs, pour le pâturage des inter-rangs par exemple.

Il est également possible de mettre en place des collaborations plus complexes. Par exemple, le projet SeCoPPA (Séchoir Collectif Plaine – Pays d’Auge) réunit céréaliers et éleveurs autour d’un séchoir de luzerne. Les céréaliers produisent la luzerne et les éleveurs la valorisent dans les rations de leur troupeau sous forme de foin ou de granulés, en fonction de leurs attentes. Les interactions de cette structure vont même plus loin, car les éleveurs peuvent fournir leur excédent de fumier aux céréaliers et apporter le bois déchiqueté de leurs haies pour alimenter le séchoir en énergie. Ainsi, cette structure repose sur un fonctionnement d’économie circulaire entre agriculteurs.

Freins et leviers à la mise en place d’interactions culture-élevage

L’élaboration d’un partenariat s’effectue en deux étapes principales. Tout d’abord, les initiateurs du projet doivent identifier les agriculteurs potentiellement intéressés par celui-ci. Les sollicitations de partenariats se font principalement à partir des réseaux d’agriculteurs tel que les réseaux d’échange de connaissances, les CUMA, ou encore les groupements de producteurs. Les agriculteurs doivent ensuite définir l’objet d’échange et bien identifier leurs besoins et contraintes afin de mettre en place un partenariat « gagnant-gagnant », équilibré entre les parties.

Lors de ses enquêtes, Louise MANCEL a identifié les difficultés suivantes pour la mise en place des partenariats entre agriculteurs :

  • Dans les territoires très spécialisés, « l’offre » en partenaires potentiels est plus restreinte.
  • Les agriculteurs peuvent avoir des difficultés à se mettre d’accord sur un objet d’échange et à clarifier leur projet d’interaction, notamment entre éleveurs et céréaliers qui ont parfois du mal à comprendre les besoins et contraintes de l’autre filière.
  • Les éleveurs ont souvent des interrogations sur les répercussions techniques des échanges, et notamment la réorganisation de leurs rations incluant les nouveaux aliments de l’échange.

Lors de ses enquêtes, Louise MANCEL a identifié les difficultés suivantes pour la mise en place des partenariats entre agriculteurs :

  • Dans les territoires très spécialisés, « l’offre » en partenaires potentiels est plus restreinte.
  • Les agriculteurs peuvent avoir des difficultés à se mettre d’accord sur un objet d’échange et à clarifier leur projet d’interaction, notamment entre éleveurs et céréaliers qui ont parfois du mal à comprendre les besoins et contraintes de l’autre filière.
  • Les éleveurs ont souvent des interrogations sur les répercussions techniques des échanges, et notamment la réorganisation de leurs rations incluant les nouveaux aliments de l’échange.

Afin de pouvoir dépasser ces éventuelles difficultés et optimiser leur partenariat, les agriculteurs suivis lors de cette étude ont mobilisé les leviers suivants :

  • L’appel à leur technicien ou à d’autres experts afin d’évaluer les conséquences de l’échange sur leur système. Grâce à ces données, les agriculteurs se sont projetés dans l’échange et ont réalisé différents scénarios. Le cas du séchoir collectif de luzerne a bénéficié d’une étude technique réalisée par différents experts. Cet appui permet aux agriculteurs de disposer d’un maximum d’éléments pour prendre leur décision. Outre l’aspect technique, l’appui d’un intermédiaire facilitateur décharge les agriculteurs de la phase d’identification de partenaires et les accompagne à travers l’animation de discussions collectives.
  • L’optimisation des déplacements : ceux de matières (fumier, fourrages, etc.), de matériel ou d’animaux. Plus la distance entre les partenaires est grande, plus les contraintes logistiques sont importantes.
  • L’expérience acquise au cours des partenariats permet une pérennisation des échanges via des ajustements et adaptations. Entre les freins techniques et les difficultés humaines, ce sont ces dernières qui sont les plus contraignantes pour les agriculteurs. Néanmoins, le lien qui se tisse entre les agriculteurs au fil du temps apporte un fort sentiment de soutien, d’entraide et une motivation individuelle quotidienne pour la majorité des agriculteurs de cette enquête.

Vous n’êtes pas professionnel agricole mais vous aimeriez soutenir ces initiatives ?

Outre les acteurs identifiés dans cette enquête, qui ont été mobilisés pour leurs expériences, connaissances et leurs compétences, la mise en place de partenariats peut être établie avec d’autres acteurs. Par exemple, concernant les cas de pâturage d’ovins en vignes, vergers ou autres, on observe parfois des circuits de pâturage incomplets. Les éleveurs peuvent avoir des passages « sans zone pâturable » dans le réseau de surfaces mises à disposition par leur(s) partenaire(s). A l’instar des corridors écologiques, un maillage le plus complet possible serait idéal pour les agriculteurs, afin de pouvoir se déplacer dans une zone de pâturage linéaire, sans interruption (transport en camion, complément d’affouragement, etc.). La mise en place de surfaces complémentaires par des collectivités, des particuliers, des propriétaires forestiers, des gestionnaires d’espaces naturels etc. est un exemple d’appui que des acteurs non-agriculteurs peuvent apporter.

Direction Europe et régions
Sonia Ramonteu
Ingénieur Europe et polyculture élevage
06 34 28 44 32